Le choix des Puissants... [PV Nina]

Loin de lui en vouloir, la jeune femme s'approcha de lui sans la moindre intention vengeresse, elle saisit tendrement la main de son amant, tout en lui disant que ce n'était rien. Lorsque Colton parla de quitter la ville au plus vite, la Hors-la-Loi hocha la tête, tout en expliquant qu'ils seraient en sécurité dans les Plaines. Les plaines ? Quelles plaines ? Ah oui, celles-là. L'esprit du mercenaire n'était pas véritablement au sommet de sa forme, et son regard restait fixé sur les nuages qui flottaient silencieusement au-dessus d'eux, inconscients du drame qui avaient failli se produire juste sous leurs cumulus et autres stratus. Trop bouleversé par toutes les horreurs qui lui avaient traversé l'esprit, Wales se révélait incapable d'en détacher le regard, et celà malgré tous les baisers dont le couvrait Nina. Et Dieu sait à quel point ceux-ci étaient sublimement délicieux.

Puis Fernandez, prenant appui sur son pied, força son époux à se relever, chose que le jeune homme aurait bien fait lui-même s'il n'avait pas été dans un si grand état de faiblesse. Et si sa femme n'avait pas été là, il se serait certainement à nouveau écroulé. Heureusement, celle-ci parvint à le retenir, en passant le bras du pistolero autour de ses épaules, tandis que celui-ci les marques rouges qui luisaient faiblement sur le cou de Nina, attendant impatiemment de rappeller au mercenaire l'horrible crime qu'il avait failli commettre. Et aussitôt, la honte le submergea, bien que son amante le força à en détourner le regard par un baiser, tout en lui expliquant qu'ils allaient quitter l'endroit et oublier tout ce qui venait de se passer. Au fond de lui, le jeune homme n'osa pas lui avouer que, tôt ou tard, ils devraient repasser par Tombstone, et y régler définitivement les problèmes...

Ce fut donc soutenu par son épouse qu'il atteignit son cheval, sur lequel il se hissa avec la plus grande difficulté. Il était littéralement mort. Incapable de faire le moindre geste, comme si le fait d'avoir été possédé par l'esprit de la petite fille lui avait dévoré toute son énergie vitale, le mettant presque à l'agonie. Le désir de paix qu'il avait ressenti était clairement significatif de son approche dangereuse de la lame de la Grande Faucheuse, qui avait pourtant choisi de passer son chemin. Avait-elle été prise de pitié à la vision de cette petite poupée de chair et d'amour ? Ou bien n'était-il pas assez faible pour que son arme tranche le mince fil qui reliait son corps et son âme, le libérant ainsi de toute la charge de la vie ? Ou peut-être avait-elle glissé sur son long manteau, laissant ainsi à sa proie le temps d'être éloignée... Qui sait ?

Lorsque Nina tira sur la bride de son cheval pour qu'ils aillent dans la même direction, tandis que Colton, écroulé sur le cou de sa monture, finit par fermer les yeux, abattu par le poids de la fatigue, plongeant ainsi dans un néant sans fin, dénué de rêves et de cauchemars. Un vide perpétuel dont seul le réveil, causé par une la main douce de Nina, put l'en libérer.

Le soleil était en train de se coucher, éclairant doucement encore l'herbe verte, tendre et grasse que les chevaux commençaient déja à brouter, sans la moindre gêne. Au loin, un petit fleuve coulait paresseusement, proposant de l'eau pure à volonté. Et pourtant, même après un sommeil de plus de deux jours de voyage, Colton demeurait extrêmement faible. Et retourner dans le sommeil faisait partie des choses qu'il désirait le plus. En ce moment même, il aurait été prêt à maudire Nina de l'en avoir tiré. Heureusement, celle-ci l'aida à descendre de cheval pour le faire s'allonger sur une couverture, avec un oreiller fait de leur attirail. Aussitôt fut-il installé qu'il se rendormit sur-le-champs, sans même se préoccuper de l'inquiétude que cela pouvait engendrer chez Nina, ni même de la faim et de la soif qui le rongeaient. Il n'avait rien ingurgité depuis Tombstone, et pourtant, rien de plus que les bras de Morphée ne lui semblaient digne d'intêret.

Bien qu'inquiète, Nina finit par se coucher à son tour, enlaçant son mari avant de sombrer à son tour dans l'inconscience.

Mais qui a dit que plus de conscience signifie plus d'activité ?

Le vent souffla, et un des arbres en perdit une grande partie de ses fleurs, qui glissèrent onduleusement vers les deux amants, venant carresser leur peau d'un souffle délicat, tandis qu'une voix tendre, douce et chaleureuse, résonnait dans l'air :

"Ils ont été bénis par les nôtres. Leur présence n'est en rien intolérable."

Une nouvelle voix se fit entendre, beaucoup moins sympathique, crachotant les mots avec une fureur bouillonante, tandis qu'une fontaine naissait auprès des pétales flottants, jusqu'à atteindre sa hauteur.

"Cela ne représente aucun intêret à nos yeux. Bénis ou non, ils sont issus du peuple qui exterminent les nôtres, et la règle à leur sujet reste claire et sans appel !"

"Je ne suis pas d'accord."

Une troisième voix se joignit au duo, tandis que le petit feu allumé par Nina s'embrasa d'un seul coup, faisant monter les flammes jusqu'au niveau des deux autres. Sa voix était furieuse, mais empreinte d'une chaleur incroyable et bienfaisante.

"Ce lien particulier qu'on créé ces deux êtres est bien trop fort pour être normal."

"Que veux-tu dire ?"

"Les nôtres l'ont renforcé. Peut-être même dans le désir qu'ils se rendent un jour ici."

"Dans quel but ? Tu parles comme si les humains devenaient plus rusés que nous, capables d'intercepter et d'interpréter la moindre décision, mais cela reste impossible."

"C'est exact. Ceci dit, c'est néanmoins une protection qui leur a été accordé. Les nôtres les trouve bien plus précieux qu'il n'en ont l'air à nos yeux. Peut-être sont-il désormais capables de voir ce qui nous échappe. Ou peut-être disposent-ils d'un allié que nous ne possédont pas..."

"Une autre Vision ?"

"Impossible."

"C'est inacceptable. Il ne reste que nous."

La dernière voix avait jailli soudainement du sol. Caverneuse, profonde et rocailleuse, elle provoqua un soulèvement de terre meuble, d'herbe et de caillasse, s'assemblant peu à peu en une forme vaguement humaine, comme pour les trois autres.

"Je me demandai quand le courage de te joindre à notre conversation ne te ferait plus défaut, Gressil."

La créature de terre émit un lourd grognement, et le sol se mit à trembler, tandis qu'inconsciemment, Nina se resserait près de son amant, incapable de se réveiller.

"Nos noms ne doivent plus jamais être prononcés. Tu l'as ordonné toi-même lors de l'Expulsion. Serais-tu à même de revenir sur tes propres lois ?"

Un léger rire jaillit de la forme enflammée, qui reprit :

"Je l'avoue... Accepte mon pardon..."

"Il reste néanmoins urgent de décider pour ces visages pâles. Je suis d'avis qu'ils doivent être chassés."

"Et moi qu'ils doivent demeurer au sein de notre lieu de repos."

"CE LIEU EST SACRE !!! Même les nôtres n'osent y demeurer davantage que quelques jours, pour ne point troubler notre paix !"

"Mais eux ne sont pas des nôtres."

La femme de pétale ne put s'empêcher de s'agenouiller au-dessus du couple, déposant un doux baiser sur la joue de Nina. Comme une mère embrasserait sa fille se resserrant sur sa peluche afin de mieux dormir, d'être mieux armé contre les Ténèbres...

"Et c'est justement pour cette raison que nous devons faire une exception. Pour l'amour qu'ils éprouvent, et que notre Source renforce au plus profond de leurs coeurs. Qu'ils le souhaitent ou non, ils sont désormais liés pour l'éternité, que cela soit dans cette vie ou dans l'autre. Je propose donc que nous les acceptions."

"Ridicule !"

Les trois créatures se tournèrent vers le colosse de terre, immobile et muette depuis un moment.

"Qu'en penses-tu ?"

"L'idée de les chasser d'ici de me déplairait pas. Mais l'affirmation de leur lien m'intrigue. Je propose de leur offrir le repos. En échange, nous nous assurerons que jamais ils ne se retournerons contre les nôtres."

Les trois autres frémirent aussitôt, même la femme de vent et l'homme de feu.

"Tu penserais à..."

"Ce serait une hérésie !"

La femme d'eau semblait désormais bouillir, prête à se vaporiser dans l'air pour en encrasser l'odeur.

"Et depuis quand nous enfermons-nous dans ces règles tortueuses et sans intêret ?"

Enfin, les deux femmes cessèrent de trembler pour se tourner vers les flammes tournoyantes, qui reprit de sa voix chaude et suave :

"Je suis d'accord avec toi. Nous persistons à respecter des rituels dont nous ne sommes même plus sûrs de leur véritable utilité. Par ailleurs, un tel acte se montrerait certainement plus que bénéfique pour les nôtres."

"Et si tu te trompais ? S'ils utilisaient notre don à mauvais escient ? Pour se retourner contre nous ?"

"Ils ne le feront pas."

"Comment peut-tu en être aussi certain ?"

Les volutes de flammes s'éloignèrent du bûcher, pour se rapprocher davantage du couple, et ainsi venir fixer le visage de Colton, ruisselant de sueur et empreint d'une malédiction permanente. Un sourire éclaira la face lumineuse de la créature, qui se redressa alors.

"Parce qu'aucun être humain n'est plus esclave de la passion qu'un coeur en proie au feu de l'amour..."

Cette phrase stupéfia les trois autres, qui demeurèrent un long moment sans dire le moindre mot, attendant une explication. Mais depuis quand en avaient-ils besoin ? Il fut un temps ou chacun était lié aux trois autres, sachant presqu'à l'avance ce que ressentait et pensait ses créatures impressionnantes qu'ils étaient. Ou était donc partie cette époque ? Elle s'était enfuie. Dévorée par la peur de la trahison, l'impression de ne plus être respecté, la crainte de voir mourir les leurs, les uns après les autres. Inconsciemment, Gressil, le plus vieux des quatre, se replongea dans ses souvenirs d'autrefois, les grandes batailles qu'ils avaient subi au cours des siècles et des millénaires qui avaient jonché leurs existences communes.

Les flammes léchèrent le visage du pistolero, buvant sa chaleur et le débarrassant des sceaux démoniaques qui avaient endigués son corps et son âme, détruisant ses capacités jusqu'à les annihiler. Enfin, Colton reprit une bouffée d'air sereinement, plongeant dans un sommeil calme, dépourvus de cauchemars ou la petite Rosy persistait à le hanter.

En fin de compte, la fontaine abaissa la tête, renonçant :

"J'accepte. Même si je persiste dans l'idée que cela pourrait très vite devenir une mauvaise chose."

"Chère soeur. Crois-tu sincèrement qu'une erreur pourrait nous attirer plus de problèmes que nous n'en avons désormais ?"

**********

Lorsque le soleil se leva, Wales se leva, comme si c'était la première fois qu'il ouvrait les yeux. Il se sentait... Vivant... Fort et rapide, vigoureux et endurant. Et affamé. Se précipitant sur le sac qui contenait leurs vivres, il mangea avec un appétit redoublé, contemplant avec béatitude la beauté des plaines qui les entouraient. L'estomac à nouveau plein après deux jours de diète, il se rinça le gosier avec l'eau pure du fleuve. Remerciant le ciel d'avoir obtenu un si beau début de journée, Colton se redirigea vers leur petit campement, remarquant à peine que le feu fait la veille n'avait en rien entamé l'herbe sur lesquelles il reposait. Se couchant auprès de Nina, il carressa le visage de celle-ci, et accueillit son réveil par un des plus radieux sourires qui soit, sitôt suivi par une des baisers les plus passionnés que les deux amants aient pu échanger aux cours de leurs existences respectives. Comme s'ils ne s'étaient pas vu depuis des années. Un baiser empreint de nostalgie ainsi que de fureur amoureuse renouvelée. Il était certain que Nina ne devait pas s'attendre à un tel rétablissement de la part de son mari, ni même une soudaine remise en forme au niveau de son amour. Après tout, cela faisait si longtemps, depuis leur nuit chez les Indiens. Et surtout, la première fois depuis un long moment qu'ils goûtaient à une paix seraine, sans aucun adversaire ou catastrophe naturelle leur sautant à la gorge comme un contrôleur fiscal... Ou l'odeur de formol du croque-mort qui venait prendre vos mesures alors que vous entriez dans l'épicerie sans intention belliqueuse...

Lorsqu'enfin leurs lèvres se séparèrent, le jeune homme lança :

"Alors ? Tu as bien dormi ?"

Le voyage depuis Tombstone dura deux jours. Deux jours durant lesquels Nina ne fit d’arrêt que pour laisser le temps aux chevaux de se reposer. Effondré sur sa monture, Colton dormit tout du long et très vite, la jeune femme décida de monter derrière lui pour s’assurer qu’il ne tombe pas de sa selle, tandis que son propre cheval suivait docilement. Elle-même ne s’accorda pas le moindre répit, veillant sans relâche sur son époux, l’inquiétude et la peur au ventre. Bien sûr, elle était consciente qu’il avait subi une journée particulièrement éprouvante. Mais elle savait aussi que ce sommeil trop prolongé n’avait rien de normal. Elle ne pouvait pas retourner à Dodge pour trouver un médecin et la ville la plus proche était à plus d’une semaine de voyage. Elle avait donc décidé de poursuivre vers les plaines comme prévu et une fois là-bas, si l’état de son époux ne s’améliorait pas, elle irait chercher de l’aide auprès des apaches. Dans les plaines, il serait en sécurité.

Au terme du deuxième jour, ils étaient enfin parvenus à destination et Nina parvint tout juste à réveiller le mercenaire pour l’aider à descendre de cheval avant qu’il ne sombre à nouveau dans le sommeil. Elle l’installa aussi confortablement qu’elle put, utilisant une de leurs couvertures pour lui faire un oreiller. Puis elle se chargea de libérer les chevaux des sacoches qu’ils portaient et de leur harnachement. Ainsi, ils pourraient profiter à loisir de l’herbe grasse qui s’étendait à perte de vue. Alors seulement, la jeune femme s’accorda un peu de repos. Épuisée par sa longue veille et l’inquiétude qui la rongeait, elle s’allongea aux côtés de son mari et le serra contre elle avant de s’abandonner à un sommeil agité, peuplé des multiples cauchemars que l’angoisse faisait naître.

Ni l’un ni l’autre n’eut conscience du débat que leur présence suscitait parmi les esprits qui habitaient et veillaient sur ces lieux. D’ailleurs ni l’un ni l’autre ne soupçonnait ne serait-ce qu’un instant ce que le destin leur réservait et dont les indiens en les mariant n’avaient eu que l’intuition. Ils s’aimaient mais ignoraient à quel point le lien qui les unissait était particulier. Comment auraient-ils pu le savoir alors même que les puissants esprits qui débattaient sur leur sort étaient dépassés ? Pourtant, ils finirent par trancher en leur faveur et lorsque les deux amants se réveillèrent, ils se sentaient, grâce à leur intervention, enfin reposés.

Lorsque Nina ouvrit les yeux, la première chose qu’elle vit fut le visage radieux et souriant de son époux. Son inquiétude s’était envolée, elle se sentait légère. Son regard plongé dans celui de Colton, elle ressentit à son égard une telle bouffée d’amour qu’il lui sembla que son corps ne pourrait jamais le contenir entièrement. Lorsqu’il l’embrassa, elle lui rendit son baiser avec autant de passion et d’abandon, savourant chaque seconde comme si c’était la première fois. Il s’était écoulé moins d’une semaine depuis cette nuit où ils s’étaient aimés et pourtant il lui semblait que ça faisait une éternité qu’ils n’avaient pas goûté à ce bonheur. Puis leurs lèvres se séparèrent et le regard sombre de Nina croisa une nouvelle fois celui de son époux. Alors qu’il lui demandait si elle avait bien dormi, contre toute attente, elle le gifla.

- Ça, c’est pour m’avoir fichu la trouille !

Puis, lui caressant le front, elle se radoucit immédiatement et ajouta :

- Ne me refais plus jamais ça. J’ai eu si peur de te perdre…

Tendrement, elle l’embrassa avant de laisser ses lèvres courir sur le visage de son amant. Dans le même temps, ses mains caressaient son corps, comme si elle voulait s’assurer qu’il était bien là, qu’elle l’avait retrouvé, qu’elle ne rêvait pas. Bientôt, dans la sérénité des plaines que rien ne semblait pouvoir perturber, ils ne firent plus qu’un. Ils s’aimèrent comme jamais, mettant dans la communion de leur corps tout l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Sans le savoir, par leur étreinte passionnée, ils scellaient leur destin comme les esprits anciens l’avaient décidé.

Le soleil avait déjà entamé la courbe descendante de sa course lorsque les deux amants redescendirent sur terre, repus l’un de l’autre. Heureuse et comblée, Nina reposait dans les bras de Colton, faisant courir distraitement ses doigts sur son torse. Elle aurait voulu pouvoir prolonger éternellement cette insouciance et faute de mieux, elle comptait bien profiter pleinement de ces quelques jours qui leur étaient accordés. Il serait toujours temps, quand leur exil serait terminé, de se préoccuper de choses plus terre à terre.

Si la mexicaine avait certainement apprécié le baiser passionné de Colton, elle n'avait pas pour autant apprécié le fait d'avoir dû traîner un semi-cadavre jusqu'aux plaines, et gifla violemment son époux. Celui-ci, surpris, se massa la joue endolorie en regardant Nina d'un air totalement ahuri, mais celle-ci se justifia par le fait qu'il lui avait collé une frousse bleue, et que la baffe n'était rien d'autre qu'une punission, relativement faible comparé à ce que la Hors-la-Loi avait dû subir pendant ces deux journées. Un doux sourire se dessina alors sur le visage du mercenaire, qui eu la soudaine envie de serrer son épouse contre lui. A la fois pour la rassurer sur sa présence, ainsi que pour se faire pardonner. Mais cela ne fut pas nécessaire...

Carressant le front de son amant, Nina avoua ce qu'elle avait ressenti, et donna un unique ordre à Colton : Ne jamais recommencer. A dire vrai, le jeune homme n'en avait pas la moindre envie, pas plus d'effrayer sa femme que de revivre un tel évènement que Tombstone avait provoqué en lui. Sans tenir compte de la douleur et des visions particulièrement horribles, le simple sentiment de mal-être qui avait refusé de le quitter depuis ce jour s'était enfin envolé, libérant ainsi son âme d'un poids beaucoup trop lourd pour n'importe quel humain.

Rapidement, les baisers de Nina se firent de plus en plus pressants, et bientôt, elle montra sa soif de retrouver la fureur de leur dernière nuit passée ensemble, ôtant ses vêtements et aidant Colton à se débarrasser des siens, bien que celui-ci ait retrouvé toutes ses facultés physiques, comme la jeune femme put le constater dès qu'ils se fondirent à nouveau l'un dans l'autre, retrouvant les puissantes sensations qui les avaient entraînés jusqu'au septième ciel, jusqu'à ce lieu sacré que les Chrétiens appellaient le Paradis. A dire vrai, si cela était vraiment ce qui les attendait après leur mort, alors le pistolero n'hésiterait plus jamais à risquer sa vie...

Longues furent leurs étreintes. Longues et heureuses. Pleines de plaisir et d'amour, elles demeuraient néanmoins le fruit des diaboliques stratégies préparées par des Puissances Supérieures. Leur plan distillait-il autant de plaisir durant leurs ébats, ou était-ce juste la vigueur renouvelée de leur retrouvailles qui les rendaient si propices aux sommets de vertiges ? Néanmoins, quelque chose était très différent. La puissance de chacun de leurs égarements, la joie qu'ils éprouvaient ? Non. Chaque couple, même sans un tel amour, peut arriver à un tel résultat, à condition de toujours être à l'écoute de l'autre. Non. Ce qui était différent de la première fois était plus insidieux, plus vicieux, beaucoup plus inattendu, et surtout, allait marquer leur existence à jamais. Une telle chose, placée sous le signe des dieux, des esprits, ou de quelqu'autre créature surnaturelle, marquait forcément la vie de ceux à qui elle arrivait.

Lorsque Colton reprit conscience de l'endroit ou ils étaient, le soleil était déja relativement bas dans le ciel, montrant que la journée était particulièrement bien avancée, voire presque terminée. Nina somnolait presque sur le torse de son amant, carressant distraitement celui-ci, tandis que le pistolero faisait de même avec le dos de la jeune femme. Tous deux allongés dans l'herbe fraîche et grasse, patientant sans s'ennuyer, aucun des deux n'avait la moindre idée qu'ils venaient d'accepter le rôle de pions dans un échiquier de taille phénoménale... Et qu'ils devraient bientôt affronter des pièces bien plus puissantes qu'ils n'auraient jamais pu l'imaginer. Le sablier universel était retourné, et chaque grain décomptait avec ferveur le temps qu'il restait avant l'Ultime Bataille entre les deux armées qui s'affronteraient, et ou Colton et Nina devraient indubitablement choisir leur camp, quitte à devoir se séparer. Malheureusement, comme dans toute bataille, il y a toujours un gagnant...

Et un perdant...

Wales fut pris d'un léger frisson, peut-être prémonitoire quant à leur avenir, mais il ne s'en rendit pas compte, et se contenta de serrer sa femme un peu plus fortement contre lui. Après tout, ils étaient heureux pour l'instant, alors pourquoi devraient-ils interrompre cette sensation de pur bonheur pour un simple pressentiment dont la netteté était plus qu'à revoir ?

Il leur fallut peu de temps pour se rhabiller et improviser un petit camp, mais davantage pour s'installer définitivement. Ce qui était logique vu que chaque rapprochement était une excuse pour de nouvelles embrassades et carresses. Le temps semblait particulièrement capricieux en ce temps, semblant ralentir pendant des heures pour accélerer subitement à la seconde d'après, comme si rien ne reliait véritablement les deux amants au monde réel.

Mais au fur et à mesure que le temps passait, que les jours s'écoulaient et que se rapprochait la date de leur "libération", moins ils souhaitaient se quitter pour retourner à Dodge. Etrangement, leur amour avait non seulement perduré, mais en plus avait proliféré de manière exponentielle !

Incapables de cesser de s'aimer, il leur devenait peu à peu de plus en plus dur de se séparer trop longtemps, sans avoir l'impression de souffrir d'un manque atrocement douloureux. Etait-ce une nouvelle malédiction qui les empêcheraient de se séparer ? Allez savoir... Si les deux amants avaient eu un peu plus de plomb dans la cervelle pendant tout ce temps, peut-être s'en seraient-ils rendu compte... Ou peut-être pas...

Lorsqu'enfin, leur période d'exil fut achevée, Colton sembla émerger, dès son réveil, d'un long et sublime rêve. De ceux qui nous donnent envie de replonger dans le sommeil dans le seul but de connaître la suite, même s'il semblait n'être rien de plus qu'une répétition infinie de la même scène. L'esprit plus clair que d'habitude, il jeta un oeil à Nina, qui dormait contre lui. Une nouvelle nuit d'amour à leur palmarès, une des plus torrides depuis leur rencontre, mais également la plus nostalgique. Inconsciemment, ils se doutaient que pendant un long moment, ils n'auraient plus le droit à de telles étreintes...

Le mercenaire se leva, s'habilla, mangea un morceau et but au fleuve avant de venir réveiller sa compagne. Etrangement, celle-ci semblait d'encore moins bonne humeur que lui, ce qui semblait logique lorsque l'on connaissait le caractère de la Hors-la-Loi, mais peu lorsqu'on se doutait qu'elle possédait ce qu'elle avait inconsciemment toujours voulu. L'amour et le plaisir. Notant cette étrange expression, le pistolero lui déposa un très léger baiser sur les lèvre, avant de lui carresser les cheveux, inquiet :

"Est-ce que tu vas bien ?"

Oui. Elle allait bien, même si elle n'en avait guère l'impression. Le stratagème des Puissants venait d'entrer en fonctionnement, délimitant les frontières de leurs existences avec davantage de certitude qu'au début de leur arrivée dans les plaines...

Les jours passèrent puis les semaines, durant lesquelles les deux amants découvrirent pleinement ce que signifiait vivre d’amour et d’eau fraîche. Jamais Nina n’aurait imaginé un jour mener une telle vie et surtout, jamais elle n’aurait pensé l’apprécier. Pourtant elle devait bien se l’avouer, cet exil avait pris des airs d’un avant-goût de paradis. Qu’il était doux de pouvoir ainsi s’aimer avec insouciance ! La jeune femme avait beau savoir que ce rêve éveillé ne serait pas éternel, une part d’elle-même voulait espérer. Dans un sens elle n’avait pas tout à fait tort.

Si elle avait été capable de discerner l’avenir, peut-être aurait-elle eu l’intuition du changement insidieux qui s’était opéré dès le début de leur séjour dans les plaines. Si elle avait eu plus d’expérience et de sagesse, peut-être aurait-elle eu conscience que jamais deux êtres n’avaient été à ce point unis. Mais pouvait-elle seulement soupçonner ce que le destin avait prévu pour eux ? L’amour est éphémère, le temps et les évènements peuvent le fragiliser et le détruire. Mais il est de rares cas où il est indestructible, où deux êtres sont unis par un tel lien que rien ni personne, pas même la mort, ne pourrait les séparer. Sans en avoir conscience, Nina et Colton étaient de ceux-là et ils avaient eu la chance, durant leur séjour dans les plaines, de toucher du doigt le cadeau qui leur était fait. La mexicaine avait raison d’espérer. S’ils n’auraient pas de sitôt l’occasion de revivre de tels instants idylliques, leur amour constituerait toujours la force qui leur permettrait de surmonter les moindres épreuves. Car le destin est avare et pour un tel cadeau il réclame toujours un lourd tribut. Qu’ils le veuillent ou non, les deux amants devraient payer leur dette et de dures épreuves se profilaient déjà à l’horizon.

Le matin du départ, Nina s’éveilla avec un goût amer dans la bouche. Il lui semblait qu’on la tirait brutalement du sommeil après un long et doux rêve. Si elle voulait être honnête avec elle-même, elle devait s’avouer qu’elle était envahie par la nostalgie à l’idée que l’insouciance prenait fin en même temps que leur exil. Mais comme souvent lorsqu’elle ne voulait pas admettre ce type de sentiment, ses regrets se traduisirent par de la mauvaise humeur. C’est donc la mine sombre qu’elle accueillit le réveil de son amant. En se levant, elle grimaça légèrement, portant la main à son estomac. Décidément, la journée commençait bien mal. Son geste et son humeur n’étaient pas passés inaperçus puisque Colton s’inquiéta de savoir si elle allait bien. Contrariée sans trop vraiment savoir pourquoi, elle répondit en maugréant.

- Mais oui ça va. On ferait mieux de se mettre en route au lieu de trainer. On a du chemin à faire.

La jeune femme se dégagea sans douceur des bras de son époux et rassembla ses affaires pour ensuite installer ses sacoches de par et d’autre de sa selle. Il ne leur fallut pas longtemps pour plier bagage, d’autant que Nina n’était pas vraiment disposée à faire la conversation ou à se laisser aller à quelque distraction. Il n’était pas besoin d’être devin pour deviner qu’il valait mieux éviter de la contrarier, sous peine de déclencher ses foudres. De part son caractère, la jeune femme était déjà naturellement du genre à faire preuve de mauvaise humeur pour pas grand-chose. Elle était loin de s’imaginer que ce phénomène n’allait pas aller en s’arrangeant dans les semaines à venir…

Le soleil n’était pas encore très haut dans le ciel lorsqu’ils se mirent en selle et entamèrent la longue route qui devait les ramener à Dodge. Durant tout ce début de matinée, Nina avait à peine desserré les dents et elle se contenta toujours de répondre par monosyllabe une bonne partie du trajet. Le soir venu, ils établirent un campement de fortune pour y passer la nuit avant de reprendre leur chevauchée le lendemain. Pour leur deuxième jour de voyage, l’humeur massacrante de Nina s’était un peu améliorée, mais on la sentait toujours irritable. Cependant, lorsqu’au terme de trois jours de route, ils parvinrent en vue des premiers bâtiments de la ville, ne sachant toujours pas à quoi elle était due, la jeune femme avait fini par oublier sa contrariété. Sans doute au grand soulagement de son époux qui n’avait plus pour un temps à supporter sa mauvaise humeur…

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