Le travail, c'est la santé ! [PV Nina]

Non, Nina n'allait pas bien. La simple expression qui se peignait sur son visage en était la preuve, sans compter qu'elle se dégagea des bras de son amant sans la moindre gentillesse. Pourquoi semblait-elle lui en vouloir à ce point ? Qu'avait-il fait de mal ? Cependant, elle le rassura sur son état, tout en conservant cependant un ton particulièrement tranchant et blessant, comme si elle détestait le jeune homme et l'estimait responsable des malaises qui l'accablaient, sans pour autant que Colton n'ait la moindre idée de la présence de ceux-ci. Mais le problème était surtout qu'ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui les attendaient, car bien des évènements peu agréables leur atterriraient en pleine face, leur coupant le souffle et leur empêchant toute réaction positive.

Ce fut donc dans un silence pesant que les deux époux rassemblèrent leurs affaires, préparant leurs baluchons et sellant leurs chevaux avant de quitter, d'un pas lourd, les Plaines qui les avait accueillis pendant ces deux longues semaines...

Pendant toute la durée du voyage vers Dodge, les conversations avec la jeune femme furent réduites au strict minimum, celle-ci refusant le moindre dialogue, ne desserrant les mâchoires que pour grogner "oui", "non" ou "Mhm", quand elle acceptait de répondre, évidemment. La mauvaise humeur de la jeune femme s'étendait dans l'air les entourant comme un gaz empoisonné, rongeant tout ce qui passait à proximité. Même les crotales ou autres mauvaises rencontres semblaient terrorisés à l'idée de croiser les deux amants pour affronter leur mauvaise humeur. Même Colton finit par être contaminé par cette antipathie croissante qui émanait de sa femme, et proposa de moins en moins de sujets de discussion, se renfermant de plus en plus, regrettant amèrement cette période ou les deux tourtereaux pouvaient vivre de manière totalement libre, dénué de toute émotion malsaine. Il se mit même à en vouloir à Fernandez. Après tout, c'était elle qui avait commencé par agir de manière aussi désagréable à son égard, alors que lui-même n'avait strictement rien fait de répréhensible.

Heureusement, cette impression permanente de voyager dans un nuage noir se dissipa au fur et à mesure que les deux amants s'approchaient, dans un soulagement certain, des frontières de la ville de Dodge City, même si tout le monde ne semblait pas particulièrement heureux de les voir de retour dans la petite cité, les observant comme s'ils étaient des miséreux infectés par une quelconque peste, fuyant leur contact sans attendre. Même les enfants se mirent à courir à l'approche de leurs ombres.

Avec une impression certaine de déja-vu, Colton descendit de cheval et attacha celui-ci devant l'épicerie, puis il se tourna vers Nina :

"Je vais m'occuper de renouveller nos stocks de provisions. Est-ce que tu peux aller nous réserver une chambre au saloon, voire deux, si tu préfères ? Vu que tu n'as pas l'air très heureuse d'être avec moi..."

Il s'empara des sacs qui auraient normalement dû contenir leurs vivres, avant de se retourner subitement, lâchant d'un ton particulièrement acide :

"Oh ! Et si tu pouvais avoir la gentillesse de ne pas déclencher de bagarre, ça m'arrangerait ! Je ne serais pas là pour te sauver la mise, cette fois..."

Certes, l'attitude de Nina à son égard s'était améliorée pendant le voyage, mais peu à peu, c'était lui qui s'était montré mauvais, faisant preuve de sa rancune tenace, comme il savait si bien le faire. Désormais, c'était la Hors-la-Loi qui se voyait soudainement devenir la cible d'une mauvaise humeur. Sauf que celle-ci n'avait pas vraiment d'origine inconnue.

Après avoir obtenu ce qu'il souhaitait, Colton sortit de l'épicerie, les sacs pleins à craquer, tandis que Fernandez avait disparue. Avait-elle été au saloon, comme le jeune homme lui avait demandé ? Ou s'était-elle embusquée dans le but de lui tirer une balle en pleine tête ? Connaissant son caractère, la deuxième hypothèse était la plus probable.

Harnachant les baluchons sur les chevaux, le pistolero fut interrompu par un crachat qui atterrit à quelques centimètres à peine de son pied. Soupirant, le mercenaire poursuivit néanmoins son action, sans se retourner vers celui qui persistait à mâchouiller sa chique en le regardant, tout en s'appuyant négligeamment sur son fusil.

"Pas la peine de vous en faire, shérif. On reste quelques jours et on se taille. Vous inquiétez pas, on ne provoquera pas de dégâts, cette fois... Ou alors vous voulez nous accuser de quelque chose ?"

Terminant d'accrocher le sac de toile, Colton se retourna vers le vieil homme, qui lui souriait d'un air ironique qui déplût grandement au jeune homme.

"Z'avez laissé de sacrés emmerdes derrière vous, vous le savez ? Il a fallu plus d'une semaine pour reconstruire l'Alhambra..."

"Légitime défense, vous en étiez témoin, non ?"

"Cela ne retire rien au fait que vous avez causé de gros problèmes à la ville."

Colton soupira et secoua la tête, avant de regarder le shérif droit dans les yeux, avant de reprendre sur un ton glacial, qui laissait aisément transparaître son humeur nocive :

"Arrêtez de jouer, shérif. Si vous souhaitiez véritablement ma peau, j'aurais déja tous vos adjoints aux fesses. Alors dites-moi ce que vous me voulez, qu'on en finisse..."

Le vieil homme ricana, avant de reprendre :

"Vous êtes mercenaire, à ce que j'en sais ?"

"Et alors ?"

"Une mission, ça vous intéresserait ?"

Colton resta un moment sans rien dire, réflechissant. Après tout, il avait dû dépenser ses derniers deniers dans l'achat de vivres, ici-même, quelques minutes plus tôt. Oui, il était clair qu'il avait besoin de se mettre au travail afin de remettre ses finances à jour. L'hésitation fut présente, mais brève.

"De quoi s'agit-il ?"

"Disons que je préférerai vous en parler dans mon bureau, si ça ne vous dérange pas. Et aussi, je crois que vous ne serez pas trop de deux pour ce contrat. La présence de votre amie ne serait pas de trop, si vous voulez mon avis..."

L'envie de répliquer "c'est ma femme" traversa Colton pendant un long moment, mais il se retint juste à temps.

"C'est... Ce n'est pas mon amie..."

"Votre collègue, alors..."

Sans attendre, le vieil homme s'empara de son étoile et la plaça sur le cheval de Colton, avant de faire signe à celui-ci de le suivre jusqu'à son bureau. Ainsi, elle saurait ou retrouver son amant, si elle y tenait vraiment...

Sous les regards suspicieux des habitants, les deux amants entrèrent dans la ville. Sans se préoccuper des coups d’œil méfiants et des murmures sur leurs passages, Nina et Colton guidèrent leurs montures vers l’épicerie. Le contraste avec la paix et l’insouciance de leur séjour dans les plaines et la tension palpable, qui s’était à présent installée entre eux, était surprenant. Sans doute en souffraient-ils autant l’un que l’autre, mais ils étaient tous deux, bien trop orgueilleux et têtus pour faire le premier pas vers la réconciliation. Pour sa part, Nina était même bien incapable de justifier le commencement de tout ceci. Descendant de cheval, le pistolero s’adressa à la jeune femme avec une pointe de défi dans la voix.

- Je vais m'occuper de renouveler nos stocks de provisions. Est-ce que tu peux aller nous réserver une chambre au saloon, voire deux, si tu préfères ? Vu que tu n'as pas l'air très heureuse d'être avec moi...

Nina s’apprêtait à lui répliquer tout aussi amèrement qu’il ne mériterait pas mieux, mais sa propre réaction la désarçonna. Au lieu de s’énerver et de rendre les coups comme elle savait si bien le faire avec son mauvais caractère chronique, elle sentit brusquement une boule dans sa gorge et les larmes lui monter aux yeux. Depuis quand était-elle si sensible ? Sa fierté prenant tout de même le dessus, elle s’empressa de faire faire demi-tour à sa monture afin de tourner le dos à Colton avant qu’il ne remarque quoi que ce soit. À sa deuxième remarque désobligeante, elle parvint à répliquer par-dessus son épaule :

- Je me débrouille très bien seule.

Elle prit alors la direction du saloon et après avoir laissé son cheval libre devant l’entrée, elle poussa la double porte. À son arrivée les conversations se turent et nombre de consommateurs en la reconnaissant manifestèrent leur désapprobation. Les réparations récentes étaient encore bien visibles dans la salle et si les esprits devaient s’être un peu apaisés durant la durée de leur exil, le souvenir des évènements précédents était encore bien présent. Indifférente aux regards antipathiques qui se posaient sur elle, la jeune femme se dirigea vers le comptoir pour réclamer une chambre. Avec une moue peu accueillante, le patron lui donna une clé. Il ne semblait pas particulièrement heureux de revoir la mexicaine, mais les quelques billets qu’elle avait déposé devant lui avaient suffit à le convaincre. La jeune femme s’empara du trousseau et grimpa à l’étage. Elle préférait vérifier qu’il n’y avait aucune arnaque avant d’aller rejoindre son époux. Lorsqu’elle se fut assuré que tout était en ordre, elle quitta l’établissement.

Une fois dans la rue, elle revint immédiatement vers son cheval. Cependant, avant de monter en selle, elle s’arrêta un instant, s’appuyant à l’animal. Durant un instant fugace, elle avait eu une sensation de tournis. Le malaise passé, elle se hissa sur sa monture, mettant son étourdissement passager sur le compte du soleil qui dardait ses rayons brûlant sur la rue, contrastante avec l’ombre et la fraîcheur du saloon. Revenue devant l’épicerie, elle remarqua immédiatement l’étoile du shérif qui brillait sur la selle de son époux. Soupirant, elle s’en empara sans même prendre la peine de mettre pied à terre. Qu’est-ce qu’il leur voulait encore le vieux ? Ils n’avaient pas déclenché de grabuge cette fois. Du moins pas encore…

Laissant une nouvelle fois son cheval libre, mais devant le bureau du shérif cette fois, la jeune femme s’approcha de l’entrée. La porte était ouverte et sans entrer, elle se contenta de s’appuyer au chambranle. À l’intérieur, Colton et l’homme de loi interrompirent leur discussion lorsque l’ombre de Nina obscurcit la pièce. Négligemment, elle lança l’étoile métallique sur la table.

- C’est imprudent shérif de laisser trainer vos affaires n’importe où.

Bras croisés, elle attendit des explications.

La réplique de Nina n'avait guère plu à Colton, et l'envie de pointer à nouveau son entre les deux yeux de la jeune femme lui démangea les doigts pour la deuxième fois dans sa vie, et ce ne serait certainement pas la dernière. Aussi, lorsqu'elle prétendit se débrouiller très bien toute seule, le jeune homme grogna à voix basse :

"Alors la prochaine fois que quelqu'un menacera de te mettre une balle dans la nuque, je me ferais une joie de le laisser faire..."

Alors qu'il se souvenait de cette phrase, en entrant dans le bureau du shérif, il commença à regretter. Bien évidemment, il avait dit ça par colère et agacement, plus que par véritable désir de voir la jeune femme se faire tuer. A dire vrai, que se passerait-il si son souhait se réalisait, et que Fernandez était à nouveau agressée par des joueurs de poker et que l'un d'eux réussissait à l'exécuter, serait-il toujours capable de se regarder dans une glace sans avoir l'envie de se mettre lui-aussi une balle dans le crâne ?

Fermant les yeux un moment, il les rouvrit pour voir le shérif s'installer à son bureau, et mettre les pieds sur la table de bois, tandis qu'il regardait Colton en faisant craquer sa mâchoire. Après un long moment de silence, le vieil homme débuta la conversation, et s'expliqua :

"Nous avons quelques problèmes avec une petite bande de Hors-la-Loi qui se trouvent à l'extérieur de la ville. Ils attaquent les diligences et s'en prennent aux fermiers isolés, tout en revenant mettre de la pagaille à Dodge dès qu'ils en ont l'occasion."

"Et vous ne pouvez pas vous en occuper tout seul ?"

"Je suis beaucoup trop vieux pour ça. Je ne peux plus faire de longues distances sans être essouflé, et mes deux adjoints sont bien trop occupés à faire régner l'ordre et la justice dans la ville. C'est pour ça que j'aurais besoin de vous..."

Le vieil homme ouvrit un tiroir, avant d'en sortir une pipe en bois, qu'il porta à sa bouche en l'allumant négligeament. Bientôt, de lourds volutes de fumée griseâtres s'envolèrent dans la pièce, formant le mercenaire à retenir sa respiration devant la puanteur dégagée. Il ne supportait pas le moins du monde l'odeur du tabac ni même de la nicotine, ce qui l'avait toujours isolé de son père, qui fumait comme un soldat du feu pendant de longues heures, plusieurs fois par jours, intoxiquant toute la maison quand il s'y trouvait.

Au bout de quelques minutes, l'agacement envahit le pistolero, qui cracha :

"Combien ?"

"500$ par tête..."

"Vous vous payez ma tête ? Même pour des petites frappes, le prix est double. Trouvez-vous quelqu'un d'autre..."

Tournant les talons, le jeune homme s'apprêta à franchir les portes du bureau du shérif, quand celui-ci lui lança :

"Très bien... J'espère que le croque-mort a pris vos mesures..."

Cette phrase fit freiner Wales plus sûrement que si le fusil à pompe avait été pointé entre ses omoplates. Déglutissant douloureusement, le pistolero ne put s'empêcher d'imaginer une bonne centaine d'images de meurtres divers et variés, à l'encontre de lui comme de Nina. Se retournant brusquement, le mercenaire dégaina et mit le canon à quelques centimètres du front du shérif, qui ne cilla même pas.

"Vous tueriez un shérif ?"

"S'il profère des menaces de mort à mon encontre, cela reste de la légitime défense..."

Le vieil homme ricana à nouveau.

"Je n'ai jamais eu l'intention de vous faire le moindre mal. Le reste des habitants de Dodge, en revanche..."

"Que voulez-vous dire ?"

Ecartant à l'aide de deux doigts le canon de son visage, le shérif se releva, avant de se redresser sur ses deux pieds. Il fit craquer sa nuque avant de faire signe à Colton de le suivre, et lui montra la fenêtre. Méfiant, le pistolero accepta néanmoins de jeter un oeil, et vit toute une cohorte de gens réunis devant la mairie, visiblement discutant avec d'autres Hommes de loi, qu'ils soient politiciens, adjoints du shérif ou de simples miliciens. Beaucoup semblaient particulièrement mécontents, et voir l'un d'eux agiter violemment une corde de pendu ne rassura guère Colton. S'écartant de la fenêtre, il tenta de reprendre sa respiration, bien qu'affolé comme il l'était, cela resta un exercice particulièrement difficile.

"Ils sont en train de discuter pour vous faire pendre. Tous vous accusent, vous et Nina Fernandez, d'avoir provoqué tous ces dégâts dans la ville. Si vous acceptez de rendre ce service à la ville à moitié prix, je crois qu'il y aura de très fortes chances pour que les habitants décident de vous pardonner. Je saurais les convaincre. Si vous refusez, alors je vous conseille de quitter la ville aussi vite que possible, car ce n'est pas l'épicier qui va vous défendre. Quant à moi, je suis trop vieux pour vous défendre, sans compter le fait qu'il y a déja eu beaucoup de lynchages que je n'ai pas su empêcher dans cette ville... A vous de choisir..."

Colton se sentait mal. Certes, cette mission leur rapporterait encore de l'argent, et pourrait également leur garantir une survie certaine dans la cité de Dodge. Il n'avait guère le choix. Refuser signait leur arrêt de mort, ou au mieux, leur interdiction définitive de revenir mettre les pieds dans cette petite ville. Inspirant à fond dans le but de faire refluer sa peur, il entendit soudainement le ton sarcastique de sa femme, qui patientait dans l'encadrement de la porte, après avoir distraitement lancé l'étoile de métal sur le bureau. Le shérif, tirant une nouvelle bouffée de sa pipe, sourit amicalement, tandis que Wales, réagissant au quart de tour, se précipita sur Nina, saisit son bras, et l'attira à l'intérieur à toute allure, craignant qu'un citoyen ait la soudaine idée de vouloir essayer de se servir de la jeune femme comme d'une cible vivante.

Fermant violemment la porte, il jeta un nouveau regard par la fenêtre. Aucun des manifestants n'avait montré la soudaine envie de venir au bureau du shérif, pour l'instant, ce qui le calma légèrement, tandis que le vieil homme, éteignant sa pipe, se dirigea vers le petit couple.

"Colton Wales. Le mercenaire qui tirerait plus vite que son ombre, à ce qu'on dit. Celui qui est assez précis pour abattre une puce sur le dos d'un chien à cinq cent mètres."

"Les rumeurs ont toujours tendance à déformer la vérité."

"Si vous le dites... J'ai fait quelques recherches sur vous deux. Et j'ai découvert beaucoup de choses sur vous, monsieur Wales. Mais savez-vous ce que j'ai trouvé sur Nina Fernandez ?"

En prononçant cette phrase, il s'était rapproché de la jeune femme, jusqu'à lui faire face, tout en la regardant d'un air inquisiteur, tournant ainsi le dos à Wales. Colton, quant à lui, suait à grosses gouttes. Avait-il compris que Nina était la fille d'El Jinete ? Une Hors-la-Loi ? Très inquiet, il commença à serrer la crosse d'un de ses revolver entre ses doigts, tout en demandant, d'une voix peu assurée :

"Et qu'avez-vous découvert ?"

"Rien."

Aussitôt, Colton se détendit, avant de raffermir sa prise sur son arme en entendant la suite du discours :

"Rien de rien. Etrange, n'est ce pas, pour une femme qui porte des vêtements d'homme et possède un caractère similaire à celui de la légendaire Calamity Jane. Personne ne vous connaît. Vous ne trouvez pas cela très étrange, mademoiselle ?"

Souriant amicalement, les mains jointes derrière le dos, il se retourna, avant de revenir à son bureau, récupérant son étoile pour se l'épingler au niveau de la poitrine.

"Il ne me faudra que quelques heures pour convaincre nos amis les citoyens de vous laisser tranquilles durant votre mission... 500$ par tête, cela reste équitable, non ?"

S'emparant de son fusil à pompe, il remit son chapeau sur sa tête et s'apprêta à sortir, avant de soudainement reprendre :

"Oh ! Et n'oubliez pas, je les veux vivants. Les morts vaudront encore moins cher, vous ne l'ignorez pas, Colton ? Bonne journée à tout les deux..."

Et ce fut avec un nouveau grand sourire qu'il s'éclipsa.

Aussitôt après son départ, le pistolero saisit la main de Nina et l'entraîna à sa suite, vers l'épicerie, tout en lui précisant :

"Ne dis rien ! Je t'expliquerai tout une fois qu'on aura quitté la ville, pas avant !"

Récupérant leurs chevaux, les deux amants piquèrent des deux et quittèrent la ville au galop, tandis que le shérif leur souhaitait mentalement bonne chance.

À peine avait-elle lancé l’étoile du shérif sur la table que Colton avait saisi sans ménagement Nina par le bras pour l’entrainer à l’intérieur avant de fermer violemment la porte. Il semblait d’un seul coup très inquiet, sans que la jeune femme ne parvienne à en identifier la cause. Du regard, elle interrogea le vieil homme qui haussa les épaules sans se départir de son sourire amical. Puis alors que le pistolero semblait se détendre un peu, le shérif se leva de son bureau pour venir vers eux.

- Colton Wales. Le mercenaire qui tirerait plus vite que son ombre, à ce qu'on dit. Celui qui est assez précis pour abattre une puce sur le dos d'un chien à cinq cent mètres.

De toute évidence, il était bien renseigné et la mexicaine se demanda où il voulait en venir. Ça sentait le chantage à plein nez et elle n’aimait pas ça du tout. Affichant un calme impassible, elle attendit la suite, tandis que son époux répliquait.

- Les rumeurs ont toujours tendance à déformer la vérité.
- Si vous le dites... J'ai fait quelques recherches sur vous deux. Et j'ai découvert beaucoup de choses sur vous, monsieur Wales. Mais savez-vous ce que j'ai trouvé sur Nina Fernandez ?

En disant ces mots, le vieil homme s’était approché à quelques centimètres de Nina, se plaçant entre les deux amants pour lui faire face. Derrière lui, elle voyait son époux qui manifestement commençait à paniquer. La jeune femme quant à elle était incroyablement calme, faisant preuve de cette maitrise d’elle-même qui la caractérisait lorsque la situation l’exigeait. Un léger sourire flotta sur ses lèvres. Le shérif avait tort de tenter de s’en prendre à une joueuse de poker avertie. Il bluffait, elle en aurait mis sa main à couper. Elle ne tarda pas à en avoir la confirmation d’ailleurs.

- Rien. Rien de rien. Étrange, n'est ce pas, pour une femme qui porte des vêtements d'homme et possède un caractère similaire à celui de la légendaire Calamity Jane. Personne ne vous connaît. Vous ne trouvez pas cela très étrange, mademoiselle ?

Nina pencha légèrement la tête sur le côté, souriant avec insolence.

- Sans doute est-ce parce que je sais me faire discrète…

Elle ne se faisait aucun souci. Il avait beau connaître son nom, tant qu’elle ne commettrait pas de larcin dans les environs, il ne trouverait rien contre elle. Personne n’avait jamais su le véritable nom de son père et elle le mettait au défi de faire le lien en le célèbre hors-la-loi et elle ou encore avec les avis de recherche représentant un jeune garçon dans le Colorado. Voyant qu’elle restait imperturbable, le shérif était retourné vers son bureau pour reprendre son étoile. Il s’adressa alors à nouveau à Colton.

- Il ne me faudra que quelques heures pour convaincre nos amis les citoyens de vous laisser tranquilles durant votre mission... 500$ par tête, cela reste équitable, non ?

Fronçant les sourcils, la jeune femme interrogea son époux du regard. De quoi parlait-il ? Avant de les quitter, le vieil homme ajouta :

- Oh ! Et n'oubliez pas, je les veux vivants. Les morts vaudront encore moins cher, vous ne l'ignorez pas, Colton ? Bonne journée à tous les deux...

À peine les avait-il quitté que le pistolero entraina précipitamment son épouse en direction de l’épicerie.

- Ne dis rien ! Je t'expliquerai tout une fois qu'on aura quitté la ville, pas avant !

En elle-même Nina se fit la réflexion qu’il avait intérêt à avoir une sacrément bonne explication pour justifier tout ça. L’idée qu’ils devaient à nouveau quitter la ville précipitamment ne lui plaisait pas vraiment.

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