Une rencontre des plus charmantes...

Pas un son, pas un souffle. Serrant sa moitié dans ses bras, le mercenaire sentit à peine le coton imbibé de chloroforme qu'on lui appliqua sur le bas du visage, l'entraînant au fin fond d'un brouillard glissant, lui assurant des paupières closes durant de longues heures encore. Certes, le travail de shérif adjoint était relativement épuisant les jours ou de nombreux crimes étaient commis, mais cela ne signifiait pas pour autant que le jeune homme manquait de sommeil. Bien au contraire, il avait même un quota d'heures de repos plus que respectables, d'autant plus respecté que Nina et lui se touchaient bien moins souvent qu'autrefois. Flottant dans un néant sans fond, Wales eut l'étrange sensation d'être soulevé, puis balotté dans tous les sens, comme s'il s'était trouvé soudainement à bord d'un bateau, accompagné de la houle et de son habituel mal de mer qui l'accompagnait. Et pourtant, il oubliait chacun de ses détails après les avoir reçu dans son cerveau, comme si une force supérieure l'empêchait de se réveille. Pendant un instant fugace, il eut l'impression qu'un dieu vengeur l'avait enveloppé dans une couche imperméable, l'éloignant du réveil à tout jamais.

Mais cela ne dura guère. Au bout d'un moment, la voix douce de Fernandez transperça les méandres de son esprit embrumé pour venir se loger dans un coin de sa tête, tandis que la houle reprenait, plus furieusement que jamais. Grognant, le pistolero finit par ouvrir un oeil, contemplant ainsi le visage de sa femme. Ou se trouvait-il ? La lumière était encore peu présente, mais le soleil semblait sur le point de se lever, tandis que le froid glacial de la nuit s'évaporait peu à peu, malgré la fraîcheur de la rosée du matin qui imbibait presque leurs vêtements de nuit.

Colton était trop endormi lorsque son épouse avait prononcé sa première phrase, même si celle-ci avait néanmoins obtenu l'effet escompté. Secouant la tête, le mercenaire réalisa soudainement que se réveiller en plein désert alors que l'on s'était endormi dans une chambre relativement salubre demeurait du domaine de l'impossible, ou alors, était signe de très gros problèmes. Tentant de se redresser, il prit également conscience de leurs mains entravées, les liant ainsi comme l'avait fait la petite cordelette indienne qui les avait mariés. Sauf que là, c'étaient des menottes, ainsi qu'une solide corde de chanvre, qui les maintenaient prisonniers.

Que faisaient-ils là ?

Prononçant d'un ton sarcastique une évidence, la jeune femme observait les alentours, incapable de comprendre ce qu'ils faisaient là. De son côté, Wales grimaça en se rendant compte que leurs armes aussi avaient disparues.

Décidément, ce n'était pas dans un pétrin qu'ils s'étaient fourrés, mais dans le pire guêpier qu'ils auraient jamais pu imaginer...

"EH !!!"

Remarquant le réveil de leurs passagers, deux hommes se précipitèrent dans le chariot, et l'un d'eux appliqua à nouveau un coton gorgé de chloroforme sur Nina, qui malgré sa vigueur, et les nombreux coups de pied qu'elle tenta de distribuer, elle finit par replonger dans le coma. Si son amant s'était laissé faire, il aurait eu droit au même traitement, mais vu qu'il avait tenté de frapper l'homme pendant que celui-ci droguait sa femme, les ravisseurs avaient dû se dire que le produit ne suffirait pas avec lui, et qu'il fallait donc l'anesthésier de manière plus radicale. Ce fut donc d'un coup de crosse que le pistolero rejoignit sa femme dans le sommeil artificiel.

"Salope... Elle a bien failli me casser le genou..."

"Estimes-toi heureux qu'elle n'ait pas viser autre chose !"

Le deuxième se mit alors à ricaner bêtement, tandis que son comparse sortait de la cariole. Il était logique qu'ils empêchent leurs "colis" de deviner l'endroit ou ils se trouvaient. Après tout, ils n'étaient pas au milieu de nulle part, les cris pouvaient aisément être entendus, et leurs traces étaient toujours visibles. Heureusement, elles avaient été effacées sur environ cinq cent mètres après qu'ils aient quittés Dodge avec leurs victimes sous calmants. Ils fallait prendre ses précautions... Surtout lorsque l'on travaillait pour quelqu'un dont la prime était à plus de 500000 dollars...

La moindre erreur était aussitôt punie.

Ouvrant à nouveau les yeux, Colton se réhabitua plus rapidement à ce qui l'entourait. Il n'était plus menotté, mais attaché à un arbre, tandis que Nina, toujours dans les vapes, étaient également liée au végétal. Du sang avait coulé sur le visage du jeune homme. Le coup reçu lui avait tranché le sourcil en deux, et il avait dû saigner abondamment, avant que la guérison ne commence. Mais il aurait à coup sûr une belle cicatrice...

D'un coup d'épaule, le pistolero réveilla sa partenaire, qui gémit un moment avant de le rejoindre dans le monde des vivants. Ce fut alors qu'une voix traversa les ténèbres qui les entouraient :

"Eh bien, eh bien... Je vois que notre ami Colton n'a pas vraiment perdu de temps..."

Plissant les yeux, le jeune homme discerna les silhouettes à travers l'obscurité qui régnait. Visiblement, ils avaient passé toute la journée qui avait suivi leur précédent réveil dans l'inconscience. Que de temps perdu...

Néanmoins, cette voix n'était pas inconnue aux oreilles de Wales, qui laissa tomber sa tête en arrière, se faisant mal en heurtant le tronc, au passage :

"MacReady... On ne vous avait pas mis au frais, la dernière fois qu'on s'était vus ?"

"Quand on a les bonnes clés, aucune porte ne résiste..."

Sortant de l'ombre, un homme grand, aux cheveux et à la barbe grise, toisait le mercenaire et son amante d'un air critique, avant de reprendre ses moqueries :

"Alors tu couches avec une femme qui se déguise en homme, c'est ça ? Tu préfère les mecs au vraies gonzesses, Colton ?"

Aussitôt, les nombreux Hors-la-Loi qui les entouraient se mirent à rire. Manque de chance, Colton avait de la répartie :

"Oh que oui... Elle est beaucoup plus masculine que vous, vous m'avez dégoûté des vraies femmes à tout jamais..."

Aussitôt, MacReady perdit son sourire, tandis que Wales se mettait à ricaner comme un dément. Il n'aurait peut-être pas dû, car le commanditaire de leur enlèvement en profita pour lui envoyer un grand coup de poing en pleine mâchoire, ce qui fit taire le jeune homme.

"A cause de toi, j'ai tout perdu. Ma ville entière, complètement rasée par ta faute. Tout mon argent envolé !"

Se redressant pour lui faire à nouveau face, Wales lui cracha une gerbe de sang en pleine figure, le faisant violemment reculer.

"Ca me fait plaisir de savoir que tout le sang que tu as dû verser pour en arriver à cette situation de pouvoir ne te sert plus à rien. C'est horrible, hein ? D'avoir perdu tout ce que l'on avait durement travaillé pour l'obtenir ? C'est comme une amputation progressive, en somme. Je suis sûr que tu regrette amèrement tous ces délices auxquels tu n'auras plus jamais droit par la faute d'un p'tit merdeux dans mon genre, je me trompe ?"

Dégainant soudainement son arme, MacReady s'approcha et tira. Mais contrairement à ce qu'il s'était attendu, ce n'était pas lui, la cible, mais...

"Nina !"

Heureusement, la jeune femme était indemne, bien que la balle ait légèrement effleuré son oreille avant de se planter dans le bois de l'arbre. Soupirant, Wales fut prêt à prier toutes les créatures surnaturelles existantes afin de les remercier d'avoir doté MacReady d'une faculté au tir aussi médiocre. Cependant, ses hommes n'étaient pas tous aussi manchots que lui avec un six-coup dans les mains. Mieux valait donc ne plus dire un seul mot. Mais ce fut à cet instant que, sur un signe de tête du chef, un des Hors-la-Loi détacha Wales, avant de venir l'attacher à l'arbre en face. Déchirant le haut de son vêtement, Colton se retrouva bientôt torse nu. Allumant un feu, d'autres hommes s'employaient à user d'un tisonnier qu'ils faisaient tourner au milieu des braises.

S'agenouillant devant son adversaire, MacReady s'essuya le visage, avant de rependre :

"Je n'ai pas la moindre envie de te faire de cadeaux, Wales. Mais, je sais me montrer généreux, de temps en temps... Dis-moi ou tu t'es occupé de dissimuler les plans de ma mine d'or, et tu auras ma parole que je vous laisserai partir. J'efface l'ardoise, et on ne se reverra plus jamais... Mais si tu refuse... Je te jure que tu va regretter d'avoir vu le jour..."

"Regarde dans le cul de tes hommes, tu finiras par le trouver... Connard, tu penses vraiment que si j'avais ton plan, je me la coulerait douce à jouer les adjoints dans une grande ville et à dormir dans un saloon à moitié pourri ?"

"C'est comme tu voudras... Mais j'espère que ta petite putain n'est pas trop sensible..."

Un des hommes s'avança, et approcha le tisonnier à quelques centimètres du visage de Colton. Ordonnant à ce dernier de parler, et face au refus certain, traduit par un nouveau crachat de sang, le morceau chauffé à blanc se plaqua soudainement sur le torse du pistolero, qui hurla si fort que tous les habitants de la forêt qui les entouraient devaient s'être réveillés sous le choc.

Les deux amants avaient à peine repris conscience que leurs ravisseurs s’étaient aperçu de leur réveil. De toute évidence, ils préféraient les garder inconscients et c’est sans ménagement qu’ils s’arrangèrent pour les replonger dans le sommeil. Lorsque Nina ouvrit les yeux pour la seconde fois, le soir était tombé. C’était un coup d’épaule de Colton qui l’avait réveillée. Elle et son époux étaient à présent attachés solidement au tronc d’un arbre, en pleine forêt. La jeune femme essaya de bouger mais elle ne réussit qu’à resserrer les liens autours de ses poignets. Leurs ravisseurs n’étaient pas des amateurs et savaient faire les nœuds.

C’est alors qu’une voix résonna dans l’obscurité tandis qu’une silhouette s’approchait du couple. La mexicaine ne comprit pas grand-chose de l’échange qui suivit, si ce n’est que l’homme qui s’adressait à eux connaissait Colton. D’après ce qu’elle pouvait déduire, c’était après lui qu’il en avait et elle n’avait due être enlevée elle-même que parce qu’elle se trouvait avec lui. Le pistolero ne semblait pas disposé à se laisser faire ni à obéir et n’hésitait pas à insulter leur agresseur. Il retint néanmoins sa hargne lorsque l’homme dégaina pour tirer en direction de la jeune femme, la faisant sursauter. Heureusement pour elle, la jolie brune s’en tira avec une simple égratignure à l’oreille. Cependant, les ennuis ne faisaient que commencer.

Un des ravisseurs défit les liens de Wales pour le rattacher à l’arbre d’en face. Nina comprit vite quelles étaient les intentions du dénommé MacReady : il comptait torturer son époux et qu’elle soit aux premières loges. Sans doute misait-il sur les supplications de la jeune femme pour faire fléchir le pistolero. C’était sans compter sur les facultés de la mexicaine à conserver une parfaite maitrise d’elle-même lorsque la situation l’exigeait. Cependant, lorsque le métal chauffé à blanc entra en contact avec le torse de son époux et que l’odeur de chair brûlée vint accompagner ses hurlements, elle dut serrer les poings à s’en enfoncer les ongles dans la peau pour que son visage reste vide de toute réaction. Après quelques nouveaux essais sans plus de résultats, MacReady dut se rendre à l’évidence, il allait devoir trouver une autre méthode.

- Dis donc, ça a pas l’air de lui faire beaucoup d’effet à ta petite copine. Elle doit pas tellement tenir à toi en fin de compte.

MacReady tourna le dos à Colton pour venir vers Nina. S’accroupissant devant elle, il saisit le menton de la jeune femme entre des doigts pour l’obliger à lever la tête vers lui.

- En même temps, un merdeux comme toi ne mérite pas de s’approprier un aussi joli minois.

Tournant à nouveau la tête vers Colton, il ajouta.

- Ce serait dommage de l’abîmer n’est-ce pas ?

MacReady se redressa et ordonna à l’un de ses hommes de détacher unes des mains de Nina. Puis il s’adressa à nouveau à Colton avec un sourire mauvais.

- Je te propose une petite expérience. Est-ce que tu penses qu’elle est toujours aussi belle quand elle a mal ?

Bien qu’il s’efforce de n’en rien montrer, Nina connaissait suffisamment son époux pour lire la panique dans ses yeux. La promesse qu’il lui avait faite la veille avant de s’endormir lui revint en mémoire et elle imaginait sans peine comme il devait souffrir de ne pouvoir déjà plus la tenir.

MacReady fit un signe de tête à l’homme qui tenait fermement la main de la mexicaine et celui-ci obéit immédiatement. D’un mouvement sec, il avait démit un des doigts de la jeune femme. Elle avait dû fermer les yeux et se mordre la lèvre jusqu’au sang pour ne pas crier tandis qu’une douleur intense la saisissait. Sur sa main maltraitée, son index tordu témoignait de la torture. Lorsque son tortionnaire s’en prit à un deuxième doigt, elle fut incapable de se maitriser et hurla. Loin de s’émouvoir, MacReady fit signe à son larbin de poursuivre et l’homme luxa ainsi tous les doigts de la main droite de Nina. La douleur était atroce et irradiait jusque dans son épaule. De plus, si elle n’avait pas la possibilité de remettre ses doigts blessés rapidement, elle pourrait dire adieu à l’usage de sa main.

Loin de se contenter de laisser la peau brûler en un seul endroit, le tortionnaire s'applique à faire bouger le morceau de métal ardent sur la peau de Colton, zébrant son torse d'une longue et insupportable brûlure, qui laisserait à coup sûr une marque permanente une fois guérie. Si guérison il y avait. Le pistolero était bien incapable de sentir l'odeur de sa chair qui se consumait, pas plus que la fraîcheur de la nuit. La souffrance occultait tous ses autres sens. Une douleur indicible. Une implacable torture. Le temps n'existait plus. Et une haine profonde et hypocrisique vint condamner Wales à un enfer permanent...

Mais malgré ses hurlements, Nina demeura stoïque devant la souffrance de son mari. S'en apercevant, et bien que sachant que tout homme avait une limite de tolérance à la torture, que son pire ennemi finirait par cracher le morceau, MacReady choisit de concentrer son attention sur la jolie mexicaine, tandis que le bourreau achevait son action.

"Dis donc, ça a pas l’air de lui faire beaucoup d’effet à ta petite copine. Elle doit pas tellement tenir à toi en fin de compte."

Reprenant son souffle, alors qu'enfin, le métal brûlant quittait son corps, il put à nouveau se concentrer sur le moment présent afin de pouvoir réflechir à ce qui allait désormais se passer. Jusqu'à présent, le mercenaire avait toujours réussi à s'en tirer, quelques fois en jouant des colts, mais le plus souvent, en usant de sa cervelle, et en réflechissant de manière suffisante afin de tendre un piège à ses ennemis sans pour autant risquer de recevoir des dommages collatéraux. Se redressant sur son séant, le pistolero vit le visage calme et sans peur de son amante, et il lut dans son regard la détermination et la rage de survivre. Oui, elle était bien plus forte que la plupart des hommes de MacReady. Aussi, le jeune homme n'eut aucune hésitation à répondre :

"Elle a l'habitude. Généralement, c'est moi qui m'en prend aux autres... Et crois-moi..."

Relevant la tête vers l'ancien homme de banque, Colton lui lança un regard si noir que pendant une fraction de seconde, son adversaire eut la peur de sa vie, tandis qu'il prononçait sa sentence :

"Quand ce sera à ton tour, crois-moi que même elle ne pourra s'empêcher de hurler en voyant tout ce que je te ferais... "

Déglutissant douloureusement, MacReady se remémora ou il se trouvait, et secoua la tête, avant de tourner le dos au mercenaire, agissant comme si de rien n'était, et il s'accroupit devant la jolie brune pour lui saisir le menton, avant de reprendre :

"En même temps, un merdeux comme toi ne mérite pas de s’approprier un aussi joli minois."

Entendant cette phrase, Wales releva les yeux, tandis que MacReady, qui semblait avoir retrouvé tout son courage, le narguait en lançant :

"Ce serait dommage de l’abîmer n’est-ce pas ?"

"Crois-moi... Si jamais tu la touche..."

Mais l'homme lui coupa la parole, tandis qu'il faisait signe à un de ses hommes de venir, qui détacha la main de Nina, avant de la saisir brutalement.

"Je te propose une petite expérience. Est-ce que tu penses qu’elle est toujours aussi belle quand elle a mal ?"

Colton, furieux, ne cessait de se débattre, et si la corde n'avait pas été si solide, elle aurait rapidement cédé. Ses yeux semblaient être devenus rouges dans la lueur des braises, et il semblait avoir complètement changé de personnalité, prêt à se jeter sur le premier qui lui en laisserait l'occasion pour le tailler en pièces à mains nues. A vrai dire, personne n'osait s'approcher de lui, et toutes les moqueries avaient disparues...

"JE T'INTERDIT !!! SALE FILS DE TRAÎNEE !!! LAISSE-LA TOUT DE SUITE OU..."

Mais avant qu'il ait pu détailler ses menaces de mort, l'homme qui l'avait torturé démit un des doigts de Fernandez. La Hors-la-Loi crispa les mâchoires, mais ne lâcha pas le moindre cri. Intérieurement, le jeune homme était fier de son épouse, même s'il aurait préféré qu'elle ne subisse jamais ce genre d'épreuves. Malheureusement, elle finit par craquer au niveau du deuxième doigt, et hurla de douleur. Ces bruits tiraillèrent les oreilles du pistolero, qui sentit son courage fondre. Son amante, sa moitié, son épouse, son âme-soeur... Elle souffrait. Par sa faute. Le remord vint lui hanter sous son crâne, et une fois de plus, il regretta de ne pas l'avoir laissée se faire tuer. Et lorsque tous les doigts furent retournés, MacReady regarda Wales, avant de sourire avidement. Si la douleur physique n'avait pu le briser, la douleur de voir son amour blessé, en revanche, y était parvenu. Cependant, il ne semblait pas vraiment prêt à tout dire. Il fallait le pousser encore un peu. D'un signe de la tête, l'ex-homme de banque indiqua à son bourreau de monter à un cran au-dessus. Ce que le tortionnaire fit avec une bonne volonté destabilisante. Détachant la seconde main de Nina, il la força à se relever avant de la précipiter violemment sur le sol, qu'elle heurta sans la moindre douceur. Aussitôt, deux hommes, tout en muscles, vinrent maintenir la jeune femme, tandis que le bourreau s'approchait d'elle avec une longue épée, qui avait, elle aussi, fait un séjour au milieu des flammes, mais pas assez longtemps pour qu'elle soit portée à blanc. Pour torturer, il faut s'arranger pour que le "patient" ne meure pas trop vite, et donc, cautériser les plaies au moment ou celles-ci sont causées est une excellente méthode...

S'approchant de Fernandez, une des brutes força la jeune femme à lever son bras valide, tandis que le tortionnaire, avide, levait sa lame avec le but avoué de trancher un bras entier du corps d'une femme.

"ARRÊTE !!!!"

C'en était fini. MacReady regarda Colton d'un air victorieux. Son adversaire avait perdu. S'approchant d'un pas gracile, il s'accroupit devant Wales, et lui saisit brutalement la gorge, le forçant à le regarder ainsi dans les yeux, avant de susurrer, sur un ton horriblement mielleux :

"Tu es décidé à me dire ou se trouve cette foutue carte ?"

Incapable de refuser, Wales hocha la tête. Même s'il n'avait aucune idée de l'endroit ou celle-ci pouvait bien se trouver. Après tout, il n'était pas seul, le soir ou il avait tout révélé au reste de la ville, toutes ses combines et ses arnaques, qui lui avaient fait légalement appartenir la totalité de la cité. Aussitôt, sa banque avait été prise d'assaut. Un de ses assaillants avait dû s'en emparer, à coup sûr, et c'était Wales qui porterait le chapeau à cause d'un connard anonyme, devenu riche à millions en une seule nuit.

Il lui fallait désespérément une issue. Mais comment ? S'il révélait le nom d'un endroit, ils seraient à coup sûr emmenés avec, afin de vérifier la précision de l'information. Et pour "remercier" les indicateurs une fois la récompense obtenue...

Il fallait donc un lieu tranquille, certes, mais ou les deux amants pourraient avoir une chance de s'en sortir. Et l'idée jaillit tout naturellement :

"Elle se trouve dans le Death Canyon. Je l'ai caché derrière une pierre, au fond du ravin."

Se grattant le menton, MacReady finit par lâcher :

"Hé hé hé... Malin, Colton, comme d'habitude..."

Il regarda une nouvelle fois le pistolero, avant de déclarer solennellement :

"C'est dommage que tu ais tant respecté la loi, gamin... On aurait pu s'associer et devenir riches... Vraiment dommage..."

Puis il se tourna vers ses hommes et commença à aboyer ses ordres pour débuter le voyage...

À chacun des doigts que l’homme lui déboîtait, Nina hurlait de douleur, couvrant de sa voix le craquement lugubre qui venait de sa main meurtrie. Elle évitait à tout prix de croiser le regard de son époux et tentait tant bien que mal de se maitriser. En effet, ses cris n’étaient rien en regard de la douleur qu’elle ressentait réellement. Elle devait se montrer forte pour qu’il ne cède pas. Elle l’entendait proférer des menaces à l’encontre de ses bourreaux. Elle savait que s’ils continuaient, il risquait de craquer. MacReady avait été inspiré de s’en prendre à elle. C’était sans doute le moyen le plus sûr de faire parler le pistolero. Elle aurait voulu dire à son époux de se taire, de ne surtout pas céder. Elle aurait voulu l’encourager pour qu’il résiste encore mais la douleur était telle qu’aucun mot ne parvenait à franchir ses lèvres.

Afin d’accélérer un peu les choses, MacReady décida de passer au cran au dessus. Nina fut détachée et poussée au sol. Naturellement, elle eut le réflexe de projeter ses mains en avant pour amortir sa chute et le choc de sa main blessée avec le sol lui arracha un nouveau cri. Des larmes incontrôlable coulaient sur ses joues sans pour autant que des sanglots les accompagnent. Elle n’eut pas le temps d’esquisser le moindre mouvement que deux colosses s’étaient approchés pour la maintenir fermement. La jeune femme se débattait comme une furie mais il n’y avait rien à faire, elle ne parvenait pas à se dégager de cette poigne de fer. Elle vit avec horreur son tortionnaire approcher avec une épée portée au rouge. Sans doute l’avait-il prise à quelque gradé de l’armée, quant à ce qu’il comptait en faire, il n’y avait pas besoin d’être un génie pour le deviner. Il allait lui couper le bras. C’est à ce moment précis que Colton céda, hurlant à MacReady d’arrêter. L’homme interrompit son geste et recula.

Nina était à la fois soulagée d’avoir échappé à la mutilation qui lui était destinée et furieuse de n’avoir pas su se montrer assez forte pour que son époux puisse résister. Dès que leurs ravisseurs auraient obtenu ce qu’ils voulaient, ils n’auraient plus besoin d’eux et nul doute que leur vie ne vaudrait alors plus très cher. Nina n’avait pas peur pour elle-même, elle n’avait jamais eu peur de la mort. Seulement, ils y avaient d’autres enjeux à présent. Les choses n’étaient plus aussi simples qu’autrefois lorsqu’elle voyageait seule. Il y avait d’abord Colton qu’elle ne supporterait pas de perdre. Et puis il y avait cet enfant qu’elle attendait et pour lequel elle commençait à éprouver quelque affection. Elle prit sur elle pour ne pas porter instinctivement la main à son ventre. Ils ne devaient surtout pas se douter de quoi que ce soit. Si jamais leurs ravisseurs découvraient qu’elle était enceinte, les deux amants se trouveraient encore plus en position de faiblesse.

Dès que le pistolero eut indiqué l’endroit où était censée être dissimulée la fameuse carte, les hommes se préparèrent à lever le camp. Les deux amants se furent à nouveau menottés et retrouvèrent sans douceur l’arrière du chariot où ils furent bientôt rejoins par le matériel qui avait servi au campement de leurs ravisseurs. Nina tenait sa main blessée contre elle, dans une vaine tentative pour écarter la douleur lancinante qui la traversait. De plus, la fraicheur de la nuit venait s’ajouter à la douleur atroce et faisait frissonner la jeune femme qui n’était vêtue que d’une simple chemise.

Le chariot s’ébranla et MacReady et ses hommes se mirent en route. Le hors-la-loi s’approcha pour se trouver à la hauteur des deux amants. Avec un air mauvais il s’adressa à Colton.

- J’espère pour toi que tu n’es pas en train de me préparer une entourloupe. Sinon je te garantis que ta poule va regretter d’être venue au monde et tu seras aux premières loges.

D’un coup de talon dans les flancs de sa monture, il dépassa le chariot pour aller se mettre en tête du convoi. Se déplaçant comme elle pouvait, Nina se rapprocha de son époux. Celui-ci prit délicatement la main blessée de la jeune femme pour l’examiner. Ses doigts tordus formaient des angles anormaux et n’étaient pas beaux à voir. Il allait falloir les remettre en place et la manipulation serait tout aussi douloureuse que la torture initiale. La jeune femme croisa le regard du pistolero et y lut toute la souffrance morale que l’idée de lui faire mal lui causait. Résignée, la mexicaine hocha la tête en murmurant.

- Vas-y.

Puis elle détourna le regard et serra les dents, anticipant la douleur à venir. Elle ne devait surtout pas crier pour ne pas attirer l’attention de leurs ravisseurs.

Quelques minutes plus tard, Colton et Nina se retrouvaient, une fois de plus, attachés dans le chariot, dans la position ou ils se trouvaient quelques heures plus tôt, avec quelques blessures en plus. Si Wales avait encore un peu de mal à respirer à cause des brûlures sur son torse et la douleur qu'elles provoquaient à chaque fois que ses poumons s'emplissaient d'air en était presqu'insupportable, et le pistolero doutait avoir déja connu pire. Mais pour l'instant, c'était le sort de la mexicaine qui lui importait davantage que ses propres problèmes. Serrant sa main mutilée contre son propre corps, elle ne se rendait pas vraiment compte des larmes qui s'échappaient de ses yeux par à-coups, de façon totalement inconsciente. Après une ultime menace, l'étrange caravane se mit en route vers le Canyon, l'endroit ou, selon le mercenaire, était dissimulé le plan de la mine d'or du vieux MacReady. Ce fut au moment ou le bruit de la charette, des sabots des montures ainsi que des plaisanteries douteuses des hommes de l'ex-homme de banque, dont certaines traînaient sur l'arrière-train de Fernandez, étouffait presqu'entièrement tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur du chariot. Heureusement, celui-ci était couvert. A la fois pour éviter d'attirer les regards, et, indirectement, offrait une intimité certaine au jeune couple. Même si celle-ci était insuffisante pour des ébats, elle demeurait assez importante pour leur permettre de discuter en toute impunité. D'un regard, la jeune femme fit comprendre son intention, qui déglutit péniblement. Alors qu'elle lui tendait maladroitement sa main aux doigts tordus, le jeune la prit aussi délicatement que possible entre les siens.

Cela ne devait pas être dur. Après tout, il avait déja remis en place des bras déboîtés, lorsque ces alliés en avaient besoin, gagnant un peu plus d'expérience en la matière à chaque action. Mais remettre un doigt était-il véritablement aussi simple ? Visiblement, non. Bien que Nina demeurait extrêmement courageuse, et qu'elle serrait les dents dans le but de ne pas hurler, son époux dut s'y reprendre à quatre fois afin de pouvoir réemboîter correctement l'index de la jeune femme, la faisant un peu plus souffrir à chaque tentative, chacune plus douloureuse que l'autre. Passant au majeur, il mit autant de temps avant de réussir à le emettre en place, mais eut de moins en moins de difficultés à partir de l'annulaire, même s'il ne réussit pas une seule fois à "réparer" la blessure du premier coup.

Lorsque Nina fut enfin guérie, Colton s'en voulut amèrement de l'avoir fait à ce point souffrir, et il lui embrassa doucement le front. Malgré les menottes, il était parvenu à accomplir une réparation médicale difficile sans en avoir énormément d'expérience. Mais désormais, si la Hors-la-Loi venait à se libérer, elle pourrait de nouveau se servir efficacement de sa main droite. Mais cela ne suffirait pas. Se redressant comme il le put, le pistolero s'assit en tailleur, et joignit ses mains en un étrange signe, de la même façon que lorsqu'il avait préparé son plan afin de prendre leurs adversaires en embuscade. Les ennemis étaient au nombre de douze, MacReady compris. Wales n'avait pas eu l'occasion de se servir des bâtons de dynamite placés çà et là dans le Canyon, et il y avait fort peu de chances pour que les Tuniques Bleues s'en soient emparés. En dirigeant les recherches vers un endroit ou un éboulement pourrait être rapidement provoqué, Colton s'assurerait ainsi la disparition de la majeure partie des hommes de MacReady. Connaissant le peu d'admiration de l'ancien homme de banque pour le travail manuel, ainsi que sa cupidité sans bornes, il y avait de fortes chances pour qu'il envoie le maximum d'hommes chercher le plan, tandis qu'il restait éloigné à surveiller les prisonniers.

Mais il n'était certainement pas un sot, et se sachant incapable de tirer correctement, il conserverait à ses côtés la présence d'au moins un de ses hommes. Quatre au maximum. Il y avait de toute façon de fortes probabilités pour qu'un des surveillants soit proche de Colton. Si celui-ci parvenait à se libérer, il ne lui faudrait qu'un quart de seconde pour s'emparer d'un colt, tirer sur la dynamite, et abattre au moins trois des adversaires. En se servant du possesseur d'origine du six-coup comme d'un bouclier humain, le pistolero s'attribuait ainsi une protection certaine contre l'éventuel quatrième adversaire, même si la radinerie sans limites de MacReady lui assurait que celui-ci ne prendrait pas plus d'un homme à ses côtés, afin de s'assurer un travail aussi rapide que possible. Il aurait pu demander à ce que les prisonnier soient placés prêts de l'endroit des fouilles, mais non. En plus des dégâts que cela pouvait occasionner aux informateurs potentiels, l'adversaire du mercenaire n'avait pas la moindre intention de lui laisser la moindre occasion de subtiliser son trésor.

Le tout était donc de trouver le moyen de se libérer des menottes. Se tortillant dans tous les sens, le pistolero observait l'intérieur du chariot avec attention pendant un long moment. S'il avait eu ne serait-ce qu'une balle à proximité, il aurait pu s'emparer de la poudre qu'elle contenait, la verser dans la serrure des menottes, puis de provoquer ainsi une étincelle, enflammant d'un geste la poudre, et provoquant la destruction du mécanisme, lui permettant ainsi de se libérer. Le seul ennui était qu'il ne possédait pas de balle à proximité.

Ce fut alors que le jeune homme détecta son bonheur : Un vieux clou, abandonné dans le chariot depuis un moment. Il eut une certaine difficulté à le faire rouler jusqu'à lui en ne se servant que de ses pieds, et cela lui prit un long moment, mais losque, transpirant comme un boeuf, le morceau de métal rouillé atteignit ses doigts, le mercenaire soupira. Ainsi, il possédait de quoi crocheter les menottes. Il s'attela donc à sa tâche sur-le-champ. Une heure lui fut nécessaire avant de parvenir à réussir cet exploit. Fernandez, qui n'avait pas eu droit à une explication de son plan, ne put s'empêcher de hausser les sourcils en voyant son amant ouvrir, puis refermer les menottes, avant de recommencer depuis le début son travail de crochetage.

Sans un mot, le mercenaire s'acharna à cet exercice à chaque instant, dissimulant le clou dans un repli de ses vêtements lorsqu'on venait les nourir ou voir s'ils étaient toujours là. Lorsque les trois longues journées du voyage vers le Death Canyon furent achevées, le pistolero était désormais capable d'ouvrir ses menottes en quelques secondes à peine...

Alors que les dialogues précisaient qu'ils étaient sur le point d'arriver, Wales parla pour la premièe fois à son amante depuis le début de ces trois jours, lui expliquant son plan, tout en lui crochetant, en quelques secondes, ses menottes. Après tout, les femmes, même déguisées en homme, inspiraient bien moins la méfiance, et les probabilités pour que les Hors-la-Loi vérifient également si les bracelets de la mexicaine étaient toujours fermés étaient, pour ainsi dire, nulles :

"Ecoute-moi bien. Je vais m'occuper de récupérer un flingue. Quand ce sera fait, je m'arrangerai pour que nos acolytes tombent dans un piège. Mais jure-moi une seule chose... Ne te fais pas prendre au piège, et dès que je commence à me lever, tu te mets à terre et tu rampes vers le plus proche abri. C'est compris ?"